L’ordonnance Macron de septembre 2017 a instauré un barème obligatoire à la charge de l’employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui devait s’imposer au juge.
Ce barème consiste plus précisément en des tranches d’indemnisation qui varient selon l’ancienneté du salarié et l’effectif de l’entreprise.
Avant même la ratification de cette ordonnance, la question de la conformité de ces dispositions à la Convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et à la Charte sociale européenne a été soulevée devant le Conseil d’État.
Ce dernier a alors jugé que ce barème n’entrait pas en contradiction avec ces textes internationaux, notamment car le juge français conservait une certaine marge de manœuvre qui lui permettait d’accorder une réparation en lien avec le préjudice subi et que le Code du travail écartait le barème dans les cas les plus préjudiciables tels que le licenciement nul.
Le Conseil constitutionnel a, quant à lui, jugé le barème conforme à la Constitution.
Or, malgré ces décisions explicites, plusieurs justiciables ont tenté de remettre en cause ce barème considérant qu’il était contraire :
- À la Convention 158 de l’OIT laquelle impose le versement d’une « indemnité adéquate ou toute forme de réparation considérée comme appropriée » en cas de licenciement injustifié ;
- Et à la Charte sociale européenne qui consacre le « droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».
Ces arguments n’ont pas porté leurs fruits devant le conseil de prud’hommes du Mans, première juridiction judiciaire appelée à se prononcer en la matière, qui, en septembre 2018, a refusé, d’une part d’appliquer la Charte sociale européenne, et d’autre part a considéré que le barème était conforme à la Convention 158.
En revanche, le barème a été remis en cause et écarté par la section activités diverses du conseil de prud’hommes de Troyes, la section commerce du Conseil de prud’hommes d’Amiens et la section activités diverses du conseil de prud’hommes de Lyon, par trois jugements prononcés en décembre 2018, lesquels ont tous considéré que le barème violait la Convention 158 de l’OIT et la Charte sociale européenne.
À l’inverse, également en décembre 2018, le conseil de prud’hommes de Caen a, quant à lui, écarté l’argument de l’inconventionnalité du barème et, se fondant sur la décision du Conseil constitutionnel, a relevé que l’indemnisation prévue par le barème répondait à l’exigence de réparation « adéquate » en cas de licenciement injustifié, soit la même exigence que celle prévue par la Convention 158 et de l’OIT et la Charte sociale européenne.
Par la suite, deux jugements prononcés en janvier 2019 ont, une nouvelle fois, témoigné du mouvement de résistance de la justice prud’homale au barème légal puisque les sections commerces des conseils de prud’hommes de Lyon et de Grenoble ont, de nouveau, censuré le barème Macron.
Ces premières décisions ouvrent donc une période d’incertitude quant à l’application du barème de l’article L.1235-3 du Code du travail.
Par conséquent, nous attendrons avec intérêt la position des cours d’appel sur le sujet et, plus encore, celle de la Cour de cassation.
Signalons, enfin, que le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a été saisi par une confédération syndicale d’une question relative à la conformité du barème à la Charte sociale européenne.
Affaire à suivre…