Outre la mise en place de nouvelles obligations incombant à certaines plateformes de mise en relation, la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 avait prévu la possibilité pour la plateforme, notamment dans le secteur de la conduite d’une voiture de transport avec chauffeur, d’établir une charte, déterminant les conditions et modalités d’exercice de sa responsabilité sociale, définissant ses droits et obligations ainsi que ceux des travailleurs avec lesquels elle est en relation.
Plus particulièrement, l’article 44 de la loi prévoyait la possibilité pour la plateforme de transmettre la charte à l’autorité administrative, en lui demandant de se prononcer sur la conformité du contenu de la charte. La loi précisait alors qu’une fois la charte homologuée, son établissement et le respect des engagements pris par la plateforme ne pouvaient caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique entre la plateforme et les travailleurs. Autrement dit, cette disposition avait pour objet d’éviter la requalification en contrats de travail des contrats liant les travailleurs indépendants aux plateformes.
Une telle disposition est cependant censurée par le Conseil constitutionnel : cette disposition permet « aux opérateurs de plateforme de fixer eux-mêmes, dans la charte, les éléments de leur relation avec les travailleurs indépendants qui ne pourront être retenus par le juge pour caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique et, par voie de conséquence, l’existence d’un contrat de travail ».
Le Conseil constitutionnel rappelle, à ce titre, que relèvent du domaine de la loi les principes fondamentaux du droit du travail, la détermination du champ d'application du droit du travail et, en particulier, les caractéristiques essentielles du contrat de travail.
Par conséquent, le législateur, par la loi d’orientation des mobilités a permis aux entreprises de fixer des règles, au travers de la charte, qui relèvent en réalité de la loi ; il a donc méconnu l’étendue de sa compétence.
À noter, en revanche, que le Conseil considère conforme à la Constitution le fait pour la loi de prévoir que l’existence d'une charte homologuée ne peut, en elle-même et indépendamment de son contenu, caractériser un lien de subordination juridique entre la plateforme et le travailleur. Dans ce cas de figure, en effet, le législateur se borne uniquement à indiquer qu’un lien de subordination ne saurait résulter d'un critère purement formel et ne méconnaît pas, par conséquent, l'étendue de sa compétence.