Un exploitant a été contraint de fermer totalement au public son magasin non alimentaire durant le premier confinement et n’a pas réglé les loyers du 2ème trimestre 2020. Le propriétaire des locaux a alors pratiqué une saisie-attribution sur le compte bancaire du locataire pour en obtenir le paiement.
Le Juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pour la partie correspondant aux loyers dus pour la période du 16 mars 2020 au 11 mai 2020, considérant que l’impossibilité juridique d’exploiter les lieux loués en raison d’une décision des pouvoirs publics devait être assimilée à la perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du Code civil[i]. Le Juge de l’exécution a donc libéré le locataire de son obligation de payer son loyer pour la période de fermeture administrative de son établissement.
Cette décision illustre le caractère mouvant de la jurisprudence sur les conséquences juridiques de la crise sanitaire en matière de baux commerciaux.
En effet, cette solution est en contradiction avec la position adoptée par le tribunal de commerce de Paris, le 11 décembre dernier, qui a rejeté cette argumentation et a condamné le locataire au paiement des loyers impayés pour la période de fermeture administrative.
Dans cette affaire, les Juges consulaires ont considéré que les mesures sanitaires n’ont pas mis fin à la mise à disposition des locaux par le bailleur ni entravé la possibilité pour le locataire d’en jouir puisqu’il pouvait toujours y accéder physiquement.
Il convient de rappeler que même si des textes sont venus paralyser les sanctions encourues par les locataires en cas de non-paiement des loyers durant la crise sanitaire, ils n’ont pas pour autant suspendu l’exigibilité des loyers.
À notre connaissance, jusqu’à présent, les tribunaux n’avaient pas libéré les locataires de leur obligation de paiement des loyers correspondant à la période de fermeture administrative. Cette solution marque-t-elle une inflexion de la jurisprudence en faveur des locataires ? Il conviendra d’être très attentif à la position qui sera adoptée par les juridictions supérieures.
[i] Article 1722 du Code civil : « si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution de prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement. »