L’avènement de ce nouveau texte ajoute à la notion d’abus de droit classique (prévue par l’article L64 du Livre des procédures fiscales et toujours en vigueur) dont l’enjeu était notamment, outre la fictivité de l’acte, la caractérisation d’un but exclusivement fiscal.
La procédure dite de « mini-abus de droit », s‘applique quant à elle aux situations dans lesquelles le contribuable, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes, met en place des solutions ayant, pour motif principal, d’atténuer ou d’éluder les charges fiscales qu’il aurait normalement supportées.
Depuis le vote de ce texte, qui rappelons-le n’a pas été soumis au Conseil Constitutionnel, la notion de motif principalement fiscal, générale et imprécise, fait l’objet de vifs débats et est source de questionnements et d’inquiétudes. Les commentaires de l’Administration fiscale sur le sujet étaient donc attendus avec impatience afin que la notion soit clarifiée, et les intentions de Bercy, précisées.
Fin janvier, soit un mois après l’entrée en vigueur du dispositif, les commentaires sur l’article L64 A du LPF ont enfin été publiés (BOFIP BOI-CF-IOR-30-2020200131).
L’Administration rappelle en premier lieu que ce dispositif concernera tous les impôts à l’exclusion de l’IS, visé par un dispositif similaire général anti abus à l’article 205 A du CGI ou à des dispositifs spécifiques.
Pour mettre en œuvre cette procédure, l’Administration est tenue d’apporter la preuve de l’existence cumulative de deux éléments :
- un élément objectif : l’utilisation du texte à l’encontre des intentions de son auteur ;
- un élément subjectif : la recherche d’un but principalement fiscal.
Concernant l’élément objectif, la position de l’Administration est en substance identique à celle qu’elle retient en matière d’abus de droit classique. Seules les décisions et les textes créant du droit et ayant une portée générale sont concernés.
La position de l’Administration était particulièrement attendue concernant l’élément subjectif et notamment sur la définition du motif principalement fiscal.
Or, sur ce point, la doctrine se contente de constater que la définition du motif principalement fiscal est plus large que la notion de but exclusivement fiscal de l’abus de droit classique et renvoie aux commentaires en matière de clause générale anti abus en IS (lesquels n’apportent pas plus de précisions).
Nous regretterons par conséquent que la publication de ces commentaires n’ait pas été l’occasion de déterminer une clef de raisonnement permettant de sécuriser les schémas fiscaux mis en œuvre à compter du 1er janvier 2020. En effet se pose la question de la définition de la notion de but principalement fiscal et de la possibilité de hiérarchiser les motivations entourant l’existence d’un acte : s’il est généralement aisé de quantifier l’enjeu fiscal d’un acte, comment hiérarchiser ce motif face à des motifs subjectifs et notamment patrimoniaux ?
Nous remarquerons cependant avec intérêt que l’Administration emploie dans une occurrence le terme « but essentiel » en lieu et place de « but principal », laissant entrevoir la possibilité de contester l’application du mini abus de droit, en invoquant la circonstance que le but fiscal, bien qu’existant, n’est pas prépondérant à l’acte.
A noter par ailleurs que la doctrine confirme que, lorsque c’est le législateur lui-même qui encourage un schéma via une incitation fiscale, la procédure du mini abus de droit ne sera pas applicable (sauf détournement manifeste). Pour rappel, une telle prise de position avait été formalisée en milieu d’année dernière par voie de réponse ministérielle mais uniquement au sujet des donations démembrées. Le BOFIP précise ici que sont également concernées les donations d’usufruit temporaire et les donations démembrées.
Enfin, nous rappellerons que l’article L64 A du LPF prévoit des garanties telles que la possibilité de demander un rescrit abus de droit et de saisir le comité de l’abus de droit. Ces éléments, repris au BOFIP, étaient toutefois déjà connus.
En définitive, la publication des commentaires administratifs consécutifs à l’entrée en vigueur du dispositif du mini abus de droit n’a pas répondu aux questions soulevées par les praticiens, en l’absence notamment d’exemples précis et de prises de position affirmées.
Il conviendra donc d’être particulièrement vigilant, en amont de la mise en place d’une solution apportant un avantage fiscal, sur l’analyse des motivations, juridiques, économiques et patrimoniales qui commandent la mise en œuvre d’un tel schéma.