La CJUE (Affaire C-828/18, Trendsetteuse SARL contre DCA SARL) a rendu le 4 juin 2020 un arrêt très important s’agissant des contours de la faculté de « négociation » de l’intermédiaire, critère qui conditionne l’application du statut protecteur de l’agent commercial.
Rappelons que l’agent commercial est un mandataire qui est chargé de façon permanente de négocier et éventuellement de conclure des contrats au nom et pour le compte de son mandant.
En particulier, la qualification d’un contrat en contrat d’agent commercial entraîne au profit de l’agent, en cas de rupture - hors rupture à son initiative ou faute grave de sa part -, le droit à une indemnité souvent évaluée à deux ans de commission.
La Cour de cassation a toujours adopté une interprétation restrictive du critère de négociation en considérant que, pour être qualifié d’agent commercial et bénéficier de l’indemnité de rupture susvisée, ce dernier devait nécessairement disposer du pouvoir de modifier les conditions du contrat, et en particulier les conditions de prix. Les entreprises avaient donc tout intérêt à interdire à leur intermédiaire toute négociation des conditions financières de l’opération pour échapper à ce statut.
Dans l’affaire C-828/18, la CJUE a jugé qu’un contrat d’agent commercial n’implique pas obligatoirement que celui-ci dispose de la faculté de négocier lui-même le prix des marchandises dont il assure la vente pour le compte du commettant (pt. 28). Ce faisant, elle met fin à l’interprétation jusqu’alors limitative de la Cour de cassation.
La CJUE ne définit pas pour autant la notion de négociation et indique fonder son analyse sur les « tâches principales » de l’agent commercial qui consistent à « apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants », au moyen d’actions « qui sont de nature à favoriser la conclusion de l’opération de vente ».
Pour plus de détails s’agissant cette décision, nous vous invitons à prendre connaissance de l’article publié le 24 juin 2020 sur notre site (rubrique « Actualités »).
La décision de la CJUE est susceptible d’impacter directement les contrats d’intermédiaires voisins du contrat d’agent commercial, qui échappaient jusqu’ici à cette qualification en raison de dispositions contractuelles neutralisant toute possibilité de négociation des conditions tarifaires par l’agent.
Ainsi, dépendant des conditions réelles d’exécution des contrats d’intermédiaires, ces derniers pourraient être requalifiés en contrat d’agent commercial. Dans cette hypothèse, les mandants pourront être contraints de verser à l’intermédiaire à la rupture du contrat (hors rupture à son initiative ou faute grave de sa part), une indemnité de fin de contrat dans les cas prévus par la loi.
En particulier, le contrat de promotion (contrat en vertu duquel le promoteur recueille les commandes des clients, le cas échéant, après les avoir invités à conclure, sans possibilité de modifier les conditions, notamment financières) est particulièrement impacté par ce risque de requalification.
Plus globalement, les contrats d’intermédiation ayant pour objectif de « favoriser la conclusion de l’opération de vente », et ce avec une certaine récurrence, pourraient facilement être analysés comme des contrats d’agent commercial selon les critères énoncés par la juridiction européenne.
La présente décision a un effet rétroactif : par conséquent, elle s’applique aussi bien aux nouveaux contrats qu’à ceux conclus avant le 4 juin 2020.
Une analyse des contrats d’intermédiation en cours (apporteur d’affaire, courtier, promoteur, etc.) apparaît donc nécessaire. Toute notre équipe est à votre disposition pour vous assister dans cette démarche.