Article 1 de l’ordonnance :
« I - Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée ».
L’ordonnance s’applique donc aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expireront entre le 12 mars 2020 et une date qui est définie comme la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois. La date de cessation de l’état d’urgence sanitaire est pour l’instant fixée au 24 mai 2020.
Le gouvernement a en effet la possibilité soit d’abréger par décret l’état d’urgence sanitaire soit de l’allonger après y avoir été autorisé par le Parlement. A ce stade et sous réserve d’une modification de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, l’ordonnance vise donc les délais et les mesures qui ont expiré ou qui expireront entre le 12 mars et le 24 juin.
Appelons cette période : « la période concernée ».
Sont concernés : « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli » durant la période concernée (rappel : 12 mars 2020 – 24 juin 2020).
Le texte est très large mais il ne vise que les délais qui expirent durant la période concernée. Les délais qui expireront postérieurement ne sont pas affectés. Il sera donc impossible de compter sur la période actuelle pour sauver un délai de prescription expirant par exemple en septembre.
Liste non exhaustive de délais fréquemment rencontrés :
- Délai pour faire appel, pour faire un pourvoi en cassation
- Tous les délais de prescription
- Délais impératifs pour accomplir les actes de procédure devant la cour d’appel
- Délai pour saisir le juge de l’exécution pour contester une saisie
Pour éviter des débats sans fin sur le calcul des délais, l’ordonnance ne prévoit pas une simple suspension. Cela obligerait en effet de tenir compte, pour chaque cas, du temps déjà écoulé avant la période concernée pour ensuite reprendre le cours. Le gouvernement a sans doute considéré que cela allait causer des débats inutiles.
Il a donc opté pour une suspension des délais durant la période concernée, mais à l’issue de celle-ci un nouveau délai est accordé pour accomplir l’acte souhaité. Ce nouveau délai est le délai légalement prévu mais dans une limite de deux mois.
Ainsi, pour les délais de prescription, qui se comptent en années, ce sera deux mois à compter de la date de la fin de la période concernée (soit le 24 août). Idem pour les délais de procédure devant la cour d’appel qui sont normalement de 3 mois : ce sera 2 mois. En revanche, pour les délais plus courts, cela ne sera pas deux mois mais le délai normal à compter de la date de la fin de la période concernée.
Vous aviez normalement jusqu’au 21 mars pour assigner devant le juge de l’exécution (délai d’un mois). Ce délai d’un mois recommencera à courir à la fin de la période concernée. Vous avez donc jusqu’au 24 juillet pour assigner devant le JEX
Saisine du juge de l’exécution :
Le délai légal étant supérieur à deux mois, c’est le délai de deux mois qui s’applique. Vous avez jusqu’au 24 août pour l’assigner.
Interruption de la prescription :
Mesures administratives ou juridictionnelles
L’ordonnance prévoit que les mesures administratives ou juridictionnelles (expertises, conciliation…) sont prorogées jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de la période concernée (24 août). Cet article ne vise pas les conciliations du livre VI du Code de commerce mais uniquement les conciliations classiques.
Astreintes, clauses pénales et clauses résolutoires
L’ordonnance suspend ou ne fait pas courir les astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires pendant la période concernée avec une subtilité : celles qui n’ont pas pris effet courent un mois après la fin de la période concernée alors que celles qui sont suspendues par la période concernée recommencent à courir à son issue.
Délai pour résilier ou renouveler un contrat
Il prolonge de deux mois à l’issue de la période concernée la faculté de résilier ou de renouveler une convention.
Imaginons un bail commercial conclu le 1er octobre 2017 et dont la première période triennale prend fin le 1er octobre 2020. En principe, le preneur avait jusqu’au 30 mars 2020 pour résilier. En application de l’article 5 de l’ordonnance, il aura jusqu’au 24 août 2020.
Notre équipe Contentieux des Affaires est à votre disposition pour tout éclaircissement nécessaire !
Marie DUVERNE-HANACHOWICZ et Edouard BERTRAND