Afin de limiter l’impact économique d’un manquement contractuel, les entreprises peuvent envisager d’invoquer la force majeure.
Certains contrats la prévoient, d'autres pas.
Il y a force majeure lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu (imprévisibilité) lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées (irrésistibilité), empêche l'exécution de son obligation par le débiteur (article 1218 du code civil).
S’agissant de l’imprévisibilité, la date la plus évidente à retenir est le 24 février 2022 pour le début de l’invasion russe en Ukraine.
Pour les contrats conclus après cette date, la guerre n’était plus imprévisible et ne pourrait donc plus être considérée comme un cas de force majeure libérant les parties de leurs obligations contractuelles, à moins d’avoir été expressément prévue dans le contrat comme cause de suspension et donc acceptée par les deux parties. Pour ceux conclus avant cette date, il sera plus compliqué de démontrer que tout était prévisible.
Concernant le critère d’irrésistibilité, il convient de documenter l’impossibilité d’exécuter ses obligations, soit du fait de décisions administratives (ex : suppression des moyens de paiement rendant impossible le paiement d’un acompte par exemple), soit du fait d’éléments extérieurs incontrôlables résultant de la situation (ex : impossibilité d’importer, fermeture d’usine en cascade dans une filière, absence de solution de transport…).
Dans tous les cas, il convient que la cause de ces difficultés échappe au contrôle du débiteur, ce qui pourrait être discuté notamment pour certains cas d’absence de diversification des approvisionnements.
Et pour rappel, plus onéreux ne veut pas dire impossible….
1 : Analyser l’impact juridique de la force majeure sur les opérations
Sans précision autre dans le contrat, le régime de la force majeure est relativement simple :
- Si l'empêchement est temporaire : les obligations sont suspendues le temps qu’il faut (dans la limite du raisonnable), à moins que le retard et les conséquences qui en résulteraient pour le créancier ne justifient la résolution du contrat.
? L’exécution du contrat reprend son cours dès que l’événement de force majeure prend fin.
- Si l'empêchement est définitif : le contrat est résolu de plein droit et les parties sont alors libérées de leurs obligations respectives.
Pour autant, les applications concrètes de cette libération soulèvent souvent des interrogations.
? Pour les contrats ponctuels/one shot : Il faut procéder à des restitutions et remises en état des parties au jour de la formation du contrat (comme si le contrat n’avait jamais été conclu). Les éventuels acomptes versés doivent ainsi être restitués.
? Pour les contrats à exécutions successives (contrat à durée indéterminée qui s’exécute de manière répétée dans le temps ; ex : abonnement) : la résolution ne produisant d’effet que pour l’avenir, il faudra procéder à des restitutions et remises en état des parties au jour du dernier bon de commande.
Dans tous les cas, le débiteur est libéré de ses obligations (partiellement ou totalement en fonction de la nature de l’empêchement) et le créancier ne peut pas demander de dommages-intérêts pour inexécution du contrat.
L’obligation de paiement du créancier en contrepartie de l’obligation non exécutée est toutefois également suspendue.
Ainsi, celui qui ne peut pas livrer du fait de la force majeure voit son obligation de livraison suspendue le temps de l’événement, sauf si l’acheteur démontre que le retard justifie à lui seul la résolution (ex : commande pour un événement particulier qui était connu du vendeur ou organisation d’un événement pendant la période de confinement).
Et celui qui n’a pas donc pas reçu les produits ou prestations commandés n’a pas à les payer. Et pourra obtenir le remboursement de son acompte en cas de résolution. La solution serait différente en cas d’exécution partielle du contrat conclu.
Il n’apparaît toutefois pas possible d’invoquer la force majeure pour se soustraire à une simple obligation de paiement. Il apparait nécessaire, dans ce cas, de tenter de négocier avec le créancier des échelonnements.
De même, la force majeure ne pourrait permettre à celui qui l’invoque de demander à son cocontractant de supporter les frais qu’il a subis du fait de cette suspension. Il convient donc d’analyser attentivement l’ensemble des conséquences concrètes en résultant avant d’arrêter le régime juridique le plus opportun pour son activité.
Délais et suspensions peuvent être précisés dans le contrat, il faut donc s'y reporter.
2 : Informer ses cocontractants
Après avoir analysé le régime et les conséquences de l’événement pour l’entreprise, il est nécessaire de notifier à ses cocontractants (clients et fournisseurs), antérieurement à la suspension de ses obligations, l’existence d’un empêchement rendant impossible ou difficile l’exécution d’une obligation contractuelle en caractérisant de manière précise son impact concret sur l’exécution du contrat.
La notification, en cas inclus sa forme, doit suivre le régime prévu au contrat si la force majeure est prévue au contrat.
Pour se prémunir du risque de résolution, un accord des parties sur un report des dates d’exécution serait à privilégier pour permettre une reprise dans de bonnes conditions…. à tout le moins dès information de la date à retenir pour une telle reprise.
Une information de ses assureurs afin de s’enquérir sur des éventuelles modalités de prise en charge ou précautions à prendre pour maintien des garanties (ex : dommage aux biens) est également à conseiller.
Enfin, il est également toujours possible de faire valoir l’imprévision pour demander une renégociation des conditions des contrats.
Anticiper les difficultés par une bonne gestion contractuelle avant qu’elles ne deviennent systémiques reste la clef.