Comme souligné dans le rapport d'information du Sénat relatif à l’inflation et aux négociations commerciales [1], déposé en juillet dernier, fournisseurs et distributeurs ont vécu une campagne de négociations commerciales 2022 inédite.
En effet, les tarifs conclus au 1er mars 2022 sont rapidement devenus caducs compte tenu de la flambée des coûts des matières premières agricoles (MPA) et des matières premières industrielles (MPI), telles que l’énergie, le transport ou les matériaux entrant dans la composition des emballages, entraînant de multiples renégociations du prix en cours d’année.
Et ce dès la première année d’application de la loi EGALIM 2, laquelle prévoit que la négociation commerciale ne doit pas porter sur la part des MPA dans le tarif du fournisseur.
Par conséquent, la sanctuarisation du prix des MPA a eu pour effet « mécanique » de déplacer les renégociations du prix convenu sur les MPI, engendrant dès lors des tensions entre fournisseurs et distributeurs : (i) les premiers reprochant aux distributeurs de refuser la part des hausses de tarifs liée aux MPI et de faire traîner les négociations afin de « gagner du temps » pendant que les fournisseurs subissent des pertes ; tandis que (ii) les seconds reprochent aux fournisseurs de demander des hausses de tarifs insuffisamment justifiées et de se référer à des indicateurs de cours de marché qui ne reflètent pas suffisamment le prix auquel ils ont effectivement acquis les MPA.
Ce faisant, de réels risques de rupture d’approvisionnement existent, les fournisseurs ne souhaitant pas produire à perte et les distributeurs ne souhaitant pas « passer » toutes les hausses demandées par les fournisseurs.
Dans ce contexte, deux enjeux cruciaux se dégagent et seront également dans le viseur de l’administration durant cette campagne 2023 :
En parallèle, le travail de mise en conformité à la loi EGALIM 2 se poursuit en 2023.
D’ici au 1er janvier 2023, les contrats MDD en cours portant sur les produits alimentaires devront respecter le nouveau formalisme prévu à l’article L441-7 du Code de commerce.
De même, les contrats conclus avec les producteurs ou organisations de producteurs portant sur l’achat de produits agricoles qui arrivent à échéance cette année devront respecter le formalisme prévu par le Code rural et de la pêche maritime [4], lequel avait été renforcé par la loi EGALIM 2.
Encore de nombreux sujets à appréhender cette année donc, qui plus est dans un contexte où le risque financier lié au manquement du formalisme de la convention annuelle est augmenté de manière significative, le Conseil constitutionnel ayant récemment confirmé le principe du cumul des amendes administratives [5], lesquelles peuvent donc être prononcées par contrat non conforme. Ce qui explique le montant cumulatif des sanctions récemment prononcées par la DGCCRF qui dépasse plusieurs millions d’euros [6].
[1] Rapport d'information n° 799 (2021-2022) de M. Daniel GREMILLET et Mme Anne-Catherine LOISIER, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 19 juillet 2022.
[2] Article L441-8 du Code de commerce.
[3] Article L443-8 du Code de commerce.
[4] Article L631-24 du Code rural et de la pêche maritime.
[5] Conseil constitutionnel, décision QPC n°2021-984
[6] Exemple : EURELEC Trading condamnée à hauteur de 6.340.000€ (amende confirmée par la décision n°02108979/2-1 du Tribunal Administratif de Paris en date du 23 juin 2022).