De manière classique et par l’intermédiaire de l’action en faute inexcusable, un salarié dispose de la possibilité d’engager la responsabilité de son employeur si celui-ci considère que son accident du travail résulte d’une faute de ce dernier.
Toutefois et plus rarement, lorsque l’accident du travail est imputable à une personne autre que l’employeur, la victime conserve contre l’auteur de l’accident le droit de solliciter la réparation de son préjudice subi conformément aux règles de droit commun (responsabilité du fait d’autrui).
Cette possibilité est prévue par les articles L452-1 à 5 et L454-1 du Code de la sécurité sociale.
Il appartient alors à la victime de l’accident du travail de saisir le Tribunal Judiciaire territorialement compétent à l’encontre du tiers responsable.
En l’espèce, deux salariés d’une entreprise de sécurité avaient été victimes d’un accident du travail dans les locaux de l’entreprise cliente de leur employeur.
Ceux-ci, considérant que leur accident était imputable, non pas à leur employeur, mais à l’entreprise cliente de ce dernier, ont alors saisi le Tribunal Judiciaire à l’encontre de la société cliente afin d’obtenir la réparation de leur préjudice subi.
Parallèlement et dans le cadre de leurs relations commerciales, l’employeur et l’entreprise cliente avaient conclu une convention de prestation de service prévoyant notamment que la réparation des accidents du travail subis par les salariés de l’employeur serait exclusivement à sa charge, même en l’absence d’une quelconque responsabilité de celui-ci dans l’accident.
Dès lors, en application de ladite convention, l’entreprise cliente a ajouté dans la cause l’employeur afin que ce dernier la garantisse de la totalité des éventuelles condamnations à venir.
Néanmoins, l’employeur s’est opposé à une telle demande de garantie, hypothèse ayant conduit les juges du fond, puis la Cour de cassation à se prononcer sur la validité des dispositions prévues par la convention de prestation de service conclue entre l’employeur et l’entreprise cliente.
La Cour d’appel de Toulouse a tout d’abord fait droit à l’argumentation de l’entreprise cliente en jugeant que les dispositions de l’article L452-5 du Code de la sécurité sociale en matière d’accident du travail, lesquelles interdisent au tiers étranger à l’entreprise qui a indemnisé la victime d’un accident du travail d’exercer un recours contre l’employeur de la victime, n’ont pas un caractère d’ordre public et qu’il pouvait donc y être dérogées par convention.
A l’inverse, la Cour de cassation a considéré, au visa de l’article L482-4 du Code de la sécurité sociale (« Toute convention contraire au présent livre est nulle de plein droit ») que les dispositions de la convention contraires aux articles L452-5 et L454-1 du Code de la sécurité sociale étaient nulles et ne pouvaient être opposées à l’employeur.
Autrement dit, sauf faute intentionnelle de l’employeur, celui-ci ne peut renoncer à l’immunité dont il bénéficie au regard des dispositions du Code de la sécurité sociale permettant à la victime d’un accident du travail de demander réparation du préjudice causé auprès du responsable, tiers, dudit accident.
Une telle solution est bien naturellement à mettre en perspective avec l’état des relations commerciales entre l’employeur et l’entreprise cliente à la date d’un éventuel contentieux. Il est en effet fort probable que, plus que la solution juridique retenue par la Cour de cassation, cela soit celles-ci qui ont conduit l’employeur à s’opposer aux termes de la convention conclue avec l’entreprise cliente.